Afin d’essayer de concilier théorie et pratique, nous allons présenter ensemble les idées reçues et leurs correctifs. A chacun de ces principes seront associés les conséquences pratiques qui en découlent.
Les acides gras, une question d’équilibre
Les acides gras (présents dans notre organisme ou dans nos aliments) sont (comme expliqué ci-dessus) la plus importante classe des lipides en quantité et en qualité (c’est-à-dire en propriétés physiologiques). Par comparaison, le cholestérol, vedette des médias et de l’industrie pharmaceutique, en constitue une très faible part aussi bien dans les aliments que dans notre organisme.
En conséquence, tout effort de modification de notre régime doit d’abord, et avant tout, concerner les acides gras des aliments !
Faire la chasse au cholestérol dans notre alimentation (par exemple en s’abstenant de manger des œufs ou des crustacés) est donc improductif. Il faut avant tout faire attention aux acides gras qui peuvent soit avoir des inconvénients pour le cœur, soit le protéger. Encore plus important est de faire attention aux associations de ces acides gras et de trouver les bons équilibres, autrement dit mettre les « bons copains » entre eux et éviter que des « petits coquins » empêchent les copains de faire du bon travail. Des règles simples permettent d’obtenir ces équilibres !
Les graisses d’origine végétale : une fausse bonne idée ?
La célèbre distinction entre les bonnes graisses d’origine végétale et les mauvaises graisses d’origine animale est un contre sens tragique. En effet, certaines graisses végétales contiennent des acides gras qui, au-delà d’apports faibles, deviennent dangereux pour le cœur. Ils peuvent avoir une origine naturelle comme certaines huiles fabriquées à partir d’oléagineux tropicaux (huile de palme ou de noix de coco) et servir à la fabrication d’aliments (par exemple, la végétaline pour les frites ou l’huile de palme pour la fabrication de margarines et certains biscuits) qui ne doivent pas, en principe, être consommés si on veut protéger son cœur.
D’autres graisses végétales (tournesol, maïs, pépin de raisin) contiennent des acides gras également naturels qui ne présentent aucun intérêt pour le cœur. Quand ces graisses végétales ont été testées par des chercheurs pour protéger le cœur (avec l’idée qu’elles permettraient de diminuer le cholestérol du sang), l’échec a été total. Si effectivement ces huiles permettent de diminuer le cholestérol, elles n’ont jamais permis de protéger le cœur. En plus, dans certaines études, les patients qui consommaient ces graisses végétales polyinsaturées ont eu plus de cancers que ceux qui ne les consommaient pas.
Enfin, certaines graisses végétales contiennent des acides gras « artificiels » et également toxiques pour le cœur, parfois appelés acides gras trans. Ils ont été introduits dans ces matières grasses par un procédé industriel (hydrogénation) qui a l’avantage de permettre une conservation (et aussi une manipulation) plus aisée des huiles végétales, et donc diminuer les coûts de production. Si depuis quelques années ces acides gras trans ont quasiment disparu des margarines commercialisées en Europe, ils restent en quantité importante (quelque fois massives) dans la très grande majorité des aliments industriels (biscuits, snacks, chips, gâteaux d’apéritif, plats cuisinés, etc.).
En conséquence, et contrairement aux allégations de l’industrie agroalimentaire, les personnes soucieuses de protéger leur cœur et de ne pas augmenter leur risque de cancer doivent s’abstenir de consommer des huiles végétales polyinsaturées ou des produits (margarines, mayonnaises, etc.) qui en sont dérivés, ou encore des aliments industriels contenant des graisses végétales hydrogénées !
Certaines graisses végétales alimentaires enrichies en produits végétaux (phytostérols) visant à réduire le cholestérol du sang (en empêchant son absorption intestinale) n’ont pas fait la preuve d’un intérêt médical réel, contrairement aux allégations de leurs fabricants. Aucune étude n’a jamais montré qu’en diminuant le cholestérol de cette manière, on protégeait son cœur. Comme indiqué ci-dessus à propos des huiles végétales polyinsaturées : « Diminuer le cholestérol est une chose, protéger son cœur en est une autre ! » Dit autrement : ce n’est pas parce que des médicaments qui diminuent le cholestérol (seulement certains médicaments, pas tous !) protègent un peu le cœur que toute diététique visant à diminuer le cholestérol protègera aussi le cœur ! Ces margarines enrichies en phytostérols ont le grave inconvénient, outre leur prix, de diminuer l’absorption intestinale d’autres nutriments que le cholestérol, en particulier des vitamines liposolubles. Il est probable qu’elles diminuent aussi l’absorption d’acides gras (les oméga-3) qui sont en faibles quantités dans les aliments modernes mais sont très importants pour protéger le cœur. Malheureusement, nous ne disposons d’aucune donnée scientifique rassurante (ou probante) sur ce dernier point. Conformément au « Principe de précaution », et du fait de l’absence de données médicales démontrant une protection du cœur par leur effet sur le cholestérol, et malgré les publicités envahissantes des industriels concernés, nous recommandons de ne pas consommer ces margarines enrichies en phytostérols.
Le rôle des graisses d’origine animale
Toutes les graisses d’origine animale ne sont pas dangereuses pour le cœur. Outre l’exemple des huiles de poisson (ou du gras de poisson) dont les effets protecteurs du cœur sont unanimement reconnus grâce aux acides gras oméga-3 qu’ils contiennent, ce qui fait l’intérêt (ou le danger) d’une graisse animale (et c’est aussi valable pour les poissons d’élevage), c’est en partie la façon dont cet animal a été nourri. La graisse d’un animal est avant tout le reflet de sa propre alimentation.
Malheureusement, l’agriculture et l’élevage modernes ne fournissent en général aux consommateurs aucune information lui permettant de bien choisir les graisses en connaissance de cause. Toutefois, certains producteurs (notamment d’œufs et de volailles) commencent à respecter et informer les consommateurs en les considérant comme des partenaires. Les produits issus de ces filières doivent être privilégiés par des consommateurs responsables. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille inconsidérément consommer des graisses animales surtout le beurre, les charcuteries et les morceaux gras des viandes de porc et de bœuf.
En conséquence, si la consommation de graisses animales (notamment les charcuteries et les produits laitiers tels que le beurre et la crème) doit rester très prudente, un consommateur averti peut trouver des produits animaux (notamment fromages produits avec des laits de printemps ou des alpages, œufs et volailles issus de filières utilisant les graines de lin) dont la composition en acides gras peut s’avérer favorables pour protéger le cœur et permettre une diversification du régime indispensable pour qu’il soit respecté dans le long terme.
Zoom sur l’huile d’olive et l’huile de colza
Une multitude de travaux médicaux et scientifiques nous permettent aujourd’hui d’être très affirmatifs concernant la consommation de deux huiles végétales riches en acides gras monoinsaturés (oméga-3 et oméga-6, par opposition à polyinsaturés). Mono veut dire unique et poly signifie plusieurs. Les acides gras monoinsaturés sont donc des acides gras avec une unique double liaison dans leur chaîne carbonée tandis que les polyinsaturés (oméga-9) en ont plusieurs. Inutile de se compliquer avec des détails biochimiques.
Il suffit de savoir que l’acide gras monoinsaturé d’origine végétal qui protège notre cœur est l’acide oléique et que cet acide gras est en proportions importantes dans seulement deux huiles ordinairement commercialisées en Europe, l’huile d’olive et l’huile de colza. Ce sont les huiles traditionnelles de nos campagnes (dépendantes du climat) et elles ont, depuis toujours, été produites de façon artisanale. Elles ne nécessitent pas obligatoirement un process industriel pour être produites et elles se conservent facilement (notamment l’huile d’olive) car elles contiennent des ingrédients naturels protecteurs adéquates.
Les huiles d’olive sont chères à l’achat, résistantes à la chaleur et ont des goûts plus ou moins fruités qui peuvent plaire aux uns et pas aux autres ! Les huiles de colza commercialisées peuvent être bio (non raffinées), très chères à l’achat et avec un goût prononcé (de choux, diront certains). Elles peuvent être raffinées, peu goûteuses et très bon marché. Dans les deux cas, et contrairement à ce qui est écrit, elles peuvent être chauffées sans inconvénient (sans dépasser 180 degrés, comme pour l’huile d’olive).
Chacun peut donc faire son choix en fonction de ses préférences gustatives et de son porte-monnaie. Moins ces huiles sont raffinées et plus elles contiennent des ingrédients supplémentaires (flavonoïdes) avec des propriétés, notamment antioxydantes, bonnes pour le cœur et contre les cancers. Enfin, contrairement à l’huile d’olive, l’huile de colza est relativement riche en un acide gras oméga-3 ce qui lui confère un avantage supplémentaire.
En conséquence, toute personne soucieuse de protéger son cœur et de prévenir la survenue de cancer doit consommer seulement deux huiles végétales de façon régulière, l’huile d’olive et l’huile de colza ! Nous recommandons d’alterner l’utilisation de ces huiles en fonction des menus, car elles sont complémentaires.
D’autres huiles, plus chères et plus marginales d’utilisation, sont également riches en monoinsaturés et peuvent être consommées de façon occasionnelle (par les gastronomes). Par exemple, l’huile de pistache ou l’huile de noisette. Toutes les autres huiles ne doivent pas rentrées à la maison !
Les bienfaits des oméga-3 sur la santé cardiovasculaire
Mais, les acides gras qui s’avèrent les plus importants aujourd’hui, toujours dans le cadre d’un équilibre judicieux avec les autres acides gras alimentaires, pour la prévention des complications cardiovasculaires sont les acides gras oméga-3. Contrairement à ce qui a souvent été écrit, ces acides gras ne présentent pas beaucoup d’intérêt pour traiter les hypertriglycéridémies.
Mais ils sont extraordinairement efficaces pour protéger le muscle cardiaque et diminuer le risque de mourir brutalement du cœur, la fameuse « belle mort » ! Même avec de faibles quantités dans l’alimentation, obtenues par la consommation de poissons gras (sardines, maquereaux, thon rouge de méditerranée, saumon, etc.) et de produits végétaux (colza, noix, graines de lin, par exemple), ces acides gras sont très efficaces. Ils agissent à la fois directement sur certains composants des membranes cardiaques et sur les cellules du système nerveux qui contrôlent le rythme (et la variabilité du rythme) cardiaque. Ils constituent également une bonne première approche du traitement du syndrome dépressif qui accompagne fréquemment les accidents cardiaques.
Tout médecin responsable devrait faire en sorte que ses patients cardiaques (alternativement ces patients devraient l’exiger de leur médecin !) aient des concentrations suffisantes d’acides gras oméga-3 dans le sang et les tissus.
Les patients doivent savoir que cette stratégie préventive s’est avérée la forme de prévention (médicamenteuse ou non médicamenteuse) la plus efficace parmi celles qui ont été testées scientifiquement !
Il faut aussi répéter que nous souffrons tous d’un déficit important en acides gras oméga-3 et que, pour des patients cardiaques, il est absolument urgent de corriger ce déficit.
Il y a plusieurs façons d’obtenir des concentrations adéquates d’acides gras oméga-3, sachant qu’il faut augmenter à la fois ceux qui sont d’origine végétale (l’acide alpha-linolénique) et ceux d’origine marine (appelés souvent EPA et DHA). Il est recommandé :
• d’adopter des habitudes alimentaires comportant des aliments riches en oméga-3 : colza, noix et poissons gras, pour faire vite !
• de consommer de façon plus ou moins régulière des compléments à base d’huile de poissons (par exemple, les Oméga-3 Nutri&Co qui ont l’avantage d’être extraits à froid à partir de poissons sauvages) en fonction des habitudes alimentaires de chaque individu.
Le meilleur « copain » des oméga-3 est l’acide oléique (huiles d’olive et de colza). Alors que les acides gras saturés, les n-6 polyinsaturés et les acides gras trans sont des faux amis qui vont soit empêcher l’effet protecteur des oméga-3 par un effet compétitif, soit par leurs propres effets néfastes, annuler l’effet protecteur.
Du fait de la complexité (quoique relative) de la problématique, et de son importance pronostique, il sera toujours préférable de se faire conseiller par un professionnel de la nutrition.